Les logiciels de correction automatique : panacée orthographique ou apprentis compagnons ?
- La Relectrice
- 8 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 8 avr.
Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours connu le correcteur automatique de Word. De jolies vagues rouges pour avertir des fautes d’orthographe, deux lignes bleues pour souligner les erreurs de grammaire. Si, à l’époque (j’ai dû écrire pour la première fois à l’ordinateur vers mes dix ou douze ans), j’acceptais toutes les corrections sans distinction, aujourd’hui je prends le temps de voir si elles sont pertinentes. Eh oui, en matière d’orthographe, ma réflexion humaine reste supérieure à l’outil.

Depuis Word, les fonctionnalités en matière de correction orthographique se sont bien développées et de nombreux outils, gratuits ou payants, sont aujourd’hui mis à la disposition de tout un chacun. Parmi eux : Antidote, Grammarly, LanguageTool, Microsoft Editor, ProWritingAid, Hemingway Editor, Ginger Software, Scribens…
Dans cet article, je vais me concentrer sur Antidote, et ce, pour deux raisons : c’est le logiciel de correction le plus connu et le plus réputé dans les milieux professionnels et académiques, mais c’est également le logiciel que j’utilise. J’effectue toujours une double correction de vos écrits : une première à l’œil nu, une seconde sous Antidote. En effet, l’œil humain n’est pas infaillible, mais, vous allez le voir, la machine non plus.
Pourrais-je me passer d’un logiciel de correction orthographique ?
Vous me voyez venir avec mes gros sabots : après m’être questionnée dans mon dernier article sur l’IA, me demandant si elle allait me piquer mon travail, je vais maintenant m’en prendre à ces pauvres logiciels de correction (qu’ils utilisent l’IA ou pas), avec lesquels on cohabite pourtant depuis longtemps (maintenant que j’y pense, je n’ai jamais soupçonné Microsoft de me piquer des clients avec son logiciel de correction sur Word). Eh bien, laissez-moi répondre à ma question en vous disant que non, je ne pourrais pas me passer d’un logiciel de correction, en l’occurrence, pour le moment, d’Antidote. Cela ne m’empêchera évidemment pas de souligner ce qui fonctionne moins bien, mais commençons par les aspects positifs.
Il y a trois raisons pour lesquelles je ne pourrais pas me passer d’Antidote :
La double correction : le logiciel de correction me permet d’avoir en quelque sorte un deuxième regard sur ma correction. Sait-on jamais que j’aie laissé passer des erreurs, j’ai une chance de les retrouver ici. (Mais alors, pourquoi ne pas se contenter de passer le texte sous Antidote ? Oh non, malheureux, ne faites pas ça ! Votre texte resterait truffé de fautes ! Je vous expliquerai cela plus loin.)
La ponctuation : le logiciel de correction m’informe si des signes de ponctuation sont mal utilisés, manquants, et si les espaces qui les précèdent ou les suivent doivent être insécables, par exemple. Il n’est pas toujours facile de voir une double espace à l’œil nu (oui, en typographie, « espace » est féminin !), et c’est impossible de deviner si l’espace est sécable ou insécable.
Les répétitions : Antidote relève (selon des paramètres que je définis au préalable, dont l’empan) les répétitions de termes d’une même famille. Je peux ainsi réaliser que les mots « vie », « vécu », « vivre », « vis » sont utilisés à de nombreuses reprises dans un même paragraphe. Je peux, pour chacun d’entre eux, décider de le remplacer par un synonyme.
Bon, maintenant que j’ai fait l’éloge d’Antidote et que j’ai admis en avoir besoin dans mon travail, passons à ses défauts. Pour vous montrer que je n’invente rien, je vous les illustre (veuillez me pardonner pour la faible qualité de certaines captures d'écran) :
Manque de réflexion globale : je ne parle même pas ici du contexte (qui n’est absolument pas pris en compte par le logiciel), mais simplement de la phrase, qui n’est pas envisagée dans sa globalité. Antidote se concentre sur des mots, des groupes de mots ou des parties de phrases, mais pas la phrase dans son ensemble. Dans l’exemple ci-dessous, on voit bien que le logiciel propose une correction en ne tenant compte que de la première partie de la phrase. Il ne tient pas compte de la virgule, de l’énumération. Pourtant, l’expression « avoir en commun » devrait lui indiquer qu’il y a plusieurs éléments.
Avertissements ambigus : Antidote souligne parfois des fautes, puis affiche un message qui nous invite à ne pas confondre deux termes. S’agit-il d’une suggestion de correction ou juste d’une invitation à la réflexion ? Le terme est souligné comme une faute, donc on aurait tendance à vouloir le corriger. Ce serait une erreur, puisque, ici, il n’y a pas de faute. À nouveau, Antidote n’a pas envisagé la phrase dans son ensemble. Il n’a pas non plus intégré qu’on n’était pas obligé de répéter le sujet avant chaque verbe si celui-ci restait identique.
Inconsistances et erreurs : Antidote manque cruellement de consistance. Pour preuve : à chaque fois que je referme puis rouvre un document, le logiciel me suggère de nouvelles corrections (qu’il ne m’avait pas proposées auparavant). De même, il arrive qu’il me souligne certains éléments comme étant fautifs et qu’il ne le fasse pas la fois d’après (alors que je n’ai ni accepté ni ignoré la suggestion). Pire, Antidote peut (comme c’est le cas dans l’illustration suivante) souligner un élément fautif, mais, dans le cas où l’élément est correct, lui-même suggérer une reformulation fautive.
Dans la première capture d’écran, Antidote souligne qu’il vaut mieux utiliser l’indicatif après « après que ». Dans la seconde, il suggère une modification de phrase qui est fautive, alors que la phrase initiale est correcte. En effet, Antidote nous propose ici d’utiliser le subjonctif plutôt que l’indicatif.
Manque de compréhension de la classe grammaticale : dans l’exemple suivant, vous constaterez qu’Antidote souligne qu’il faut un trait d’union entre les mots « attaque » et « surprise ». À première vue, je me suis dit que cela contredisait totalement ce qu’affirme Le Larousse (voir deuxième capture d’écran). Mais en analysant le message d’Antidote, je réalise qu’il parle de deux mots et non pas d’un mot et d’un adjectif. Le logiciel de correction n’a pas envisagé ce groupe de mots comme formant une expression connue, il n'a pas réellement reconnu les mots « attaque » et « surprise ». Il a vu deux noms communs et s’est référé à sa règle selon laquelle deux noms communs qui se suivent doivent être liés par un trait d’union.
Bugs : alors là, franchement, je ne sais pas s’il s’agit de bugs ou d’autre chose (mais quoi ?). Je vous laisse juger par vous-mêmes de la pertinence des corrections suivantes.
Des reformations lisses, qui ne respectent pas le point de vue ni le style de l’auteur : je ne vais pas m’épancher là-dessus, car ce sera probablement le thème d’un prochain article, mais les reformulations proposées par l’IA (Antidote utilise l’IA pour générer des idées de réécriture) sont censées améliorer le style. Or, si Alexandre Dumas voyait de quelle façon Antidote suggère d’améliorer son style, je pense qu’il se joindrait à moi pour pleurer.


Ma conclusion
Même si je ne vous ai fait part que des points forts et faibles d’Antidote, je formule ici une conclusion qui vaut pour l’ensemble des logiciels de correction. En effet, Antidote étant reconnu comme l’un des meilleurs, vous rencontrerez les mêmes difficultés (voire de plus nombreuses ou de pires) avec d’autres logiciels.
Vous l’aurez compris, les logiciels de correction orthographique ont une compréhension limitée du contexte (de la phrase ou du texte dans son ensemble). Cela peut conduire à des suggestions de correction inappropriées. Les outils de correction deviennent certes de plus en plus sophistiqués et continuent de s’améliorer. Cependant, ils ne sont pas encore parfaits et ne le seront probablement jamais (la langue change, le contexte s’adapte à l’esprit humain). Il est donc important de rester critique face à leurs suggestions. Si l'on se fie aveuglément aux propositions des outils de correction, on peut « mal apprendre », en intégrant des erreurs. Il est crucial de toujours vérifier les corrections proposées et de les valider en fonction du contexte.
Pour en revenir à la question initiale, je pense que les logiciels de correction orthographique sont des aides précieuses, mais qu’ils doivent être utilisés avec discernement. Ils sont donc davantage des apprentis, qui évoluent avec nous et pour nous. Ils sont particulièrement performants pour corriger des phrases simples, sans ambiguïtés. Ils demandent une réflexion supplémentaire (à tout hasard, la mienne) lorsqu’il s’agit de corriger un récit, avec un contexte, des situations qui changent et différents personnages qui interviennent.
Alors, qu’en pensez-vous ? Faites-vous souvent usage d’un correcteur orthographique ? Lui faites-vous entièrement confiance ? Ou vérifiez-vous les informations qu’il vous donne ?
Au plaisir d’échanger avec vous !
Ludivine
La Relectrice
Comments