Une figure de style (ou de rhétorique) est un procédé qui s’écarte de l’usage ordinaire de la langue pour donner un caractère original, « littéraire » à ce que l’on énonce. On tente de produire un effet particulier, qu’il soit esthétique, expressif, ou argumentatif.
Il y en a plusieurs centaines, classifiées en différentes catégories, qui permettent de jouer sur le sens, le son, le rythme ou la syntaxe des mots.
En tant qu’auteur, votre objectif est d’avoir un effet sur le lecteur. Je vous répertorie ici dix figures de style qui, bien utilisées, peuvent vraiment apporter un plus à votre récit. Et en bonus : une figure de style qui lui nuit.

La métaphore
C’est un grand classique, mais on ne peut pas s’en passer. La métaphore est en quelque sorte la « version avancée » de la comparaison. C’est une figure de style qui consiste à comparer des éléments, mais sans utiliser d’outil de comparaison. Concrètement, on laisse tomber le « comme » ou le « tel ».
Ainsi, au lieu d’écrire « cet homme était bâti comme une montagne », on écrira « cet homme était une montagne ».
La métaphore est un outil puissant pour exprimer des idées abstraites ou renforcer, visuellement, une idée concrète. Dans l’exemple précédent, on devine que l’homme était très grand et musclé. La suppression de la conjonction renforce l’image de grandeur et de force que l’on se fait de l’homme. L’image de la montagne ne se met pas à côté de lui, elle vient se superposer à lui.
Voici quelques exemples de métaphore :
Je me perdais dans ses lacs d’un bleu profond (lacs = yeux) ;
La rose s’épanouit (la jeune fille grandit) ;
Cette femme était une déesse (elle était magnifique) ;
Il a un cœur de pierre (il est insensible)…
On parle de catachrèse, lorsqu’une métaphore est devenue tellement commune qu’elle est entrée dans la langue courante : les pieds d’une table, la feuille de papier, courir un danger, les ailes d’un bâtiment, les dents d’une scie, la plume d’un stylo, prendre un bain de soleil, habiter une cage à lapins…
L’oxymore
L’oxymore rapproche deux termes que leurs sens devraient éloigner, dans une formule en apparence contradictoire. Tout l’intérêt de cette figure de style est qu’elle crée la surprise, elle choque, elle exprime l’inconcevable ou l’absurde. Ce qu’elle dit devrait être insensé… pourtant, cela nous paraît logique et compréhensible. L’insensé a du sens… Paradoxal ?
Voici quelques exemples d’oxymore : mort-vivant, silence assourdissant, illustre inconnu, réalité virtuelle, ordre aléatoire, terriblement bon, sourire triste, obscure clarté…
Le zeugme
Le zeugme consiste à mettre en rapport un mot avec deux termes dissemblables et dont l’association avec le premier terme produit un sens différent. C’est une forme d’ellipse, puisqu’il permet d’éviter la répétition en sous-entendant un adjectif ou un verbe déjà exprimé.
Exemples de zeugmes :
« Vêtu de probité candide et de lin blanc. » (Hugo, « Booz endormi », La Légende des siècles)
« Vêtu » est associé à un terme concret (de lin blanc) et un terme abstrait (de probité candide).
« Tout jeune, Napoléon était très maigre et officier d’artillerie. Plus tard il devint empereur. Alors il prit du ventre et beaucoup de pays. » (Prévert, « Composition française », Paroles)
« Était » est associé à deux termes totalement distincts, que l’on ne mettrait normalement pas sur un pied d’égalité. Napoléon était maigre et il était officier d’artillerie. De même, il prit du ventre et il prit beaucoup de pays.
Le fait de ne pas répéter le verbe et de ne pas le remplacer non plus par un autre crée un effet de surprise, une sensation de « bizarre » qui peut faire rire. Ce lien forcé entre deux propositions distinctes peut également amener à réfléchir. C’est une façon de faire un parallélisme entre deux idées.
La litote
Une litote est une figure de style qui consiste à dire moins pour exprimer bien davantage. La litote prend souvent la forme d'une (double) négation. On le fait tous, très régulièrement, dans notre vie quotidienne, sans même nous en rendre compte.
Voici quelques exemples de litotes : Ce n’est pas idiot (c’est intelligent), c’est loin d’être faux (c’est très juste), on ne va pas mourir de faim (on a de quoi tenir un siège), vous n’êtes pas sans savoir (vous savez parfaitement), c’est pas mal (c’est bien)…
L’atténuation, fausse ou simulée, souligne en quelque sorte la phrase et la renforce. Le contexte est très important pour comprendre la litote et la différencier d’une affirmation. En ce sens, j’estime que c’est la même chose que l’ironie ou le sarcasme. On les comprend en reconnaissant le ton employé, mais aussi en connaissant leur émetteur et le contexte dans lequel ils sont employés.
Cet exemple illustre parfaitement ce point :
« Va, je ne te hais point. » (Corneille, Le Cid, III, IV, Chimène) Pour certains, il s’agit de LA litote par excellence, Chimène disant en réalité, par ces mots, à Rodrigue qu’elle l’aime. Pour d’autres, il faut prendre la phrase pour ce qu’elle est : elle ne le hait point, mais ne l’aime pas pour autant.
La périphrase
Indispensable à tout écrivain qui se respecte, la périphrase est une figure de style de substitution qui consiste à remplacer un mot par sa définition ou par un groupe de mots qui exprime la même idée. Concrètement, il s’agit de dire en plusieurs mots ce que l'on pourrait dire en un seul. C’est un « outil » merveilleux pour induire un peu de poésie en littérature.
C’est ainsi que l’on décrira :
Bruges comme « la Venise du Nord » et Annecy comme « la Venise des Alpes » ;
Paris comme « la Ville Lumière » ;
Le cinéma comme « le septième art » ;
Le Japon comme « le pays du soleil levant » ;
Les femmes comme « le beau sexe » ;
Le français comme « la langue de Molière »…
La personnification
La personnification est une figure de style qui consiste à attribuer des qualités humaines à une chose, une idée ou un animal. Ce procédé stylistique contribue à rendre votre récit plus vivant.
Parmi les meilleurs exemples de personnification, nous retrouvons les fables de La Fontaine et la marque La vache qui rit, mais en voici d’autres :
« Le soleil aussi attendait Chloé, mais lui pouvait s'amuser à faire des ombres » (Boris Vian, L’Écume des jours) ;
La mort lui fit face ;
Le tonnerre gronde au loin ;
La malchance le poursuit…
7. La gradation
La gradation est une figure de style par laquelle on ordonne des éléments selon une progression ascendante ou descendante. Le but ici est d’exprimer une idée qui va gagner ou perdre en intensité. C’est un procédé énormément utilisé en argumentation, et notamment en politique, selon ce que l’on veut que les gens retiennent. On peut commencer gros pour terminer petit et ainsi diminuer l’importance de quelque chose. Ou le contraire. La gradation est une figure d’amplification, elle produit donc un effet dramatique.
Et qui dit drame, dit théâtre, lequel nous offre la gradation la plus connue :
« C’est un roc ! c’est un pic ! c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … c’est une péninsule ! » (Rostand, Cyrano de Bergerac, I, 4)
Il s’agit évidemment ici d’une gradation ascendante.
Voici un exemple de gradation descendante : « Elle hurla, parla, chuchota, puis se tut ».
Le chiasme
Le chiasme (prononcé kiasme) est en quelque sorte un parallélisme inversé. Il s’agit d’une construction en croix d’un énoncé.
Voici un illustre exemple : Un roi chantait en bas, en haut mourait un Dieu. (Victor Hugo, « Booz endormi », La Légende des siècles)

Voici quelques exemples de chiasme :
« Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera » (Racine, Les Plaideurs, I, 1, Petit Jean) ;
« Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus » (Corneille, Le Cid) ;
« Un pour tous, et tous pour un » (Alexandre Dumas, Les Trois mousquetaires).
La force du chiasme est son apparence de credo ou de slogan. Le lecteur le retiendra aisément.
L’allégorie
L’allégorie est une figure de style par laquelle on représente une idée sous une forme imagée (que ce soit une véritable image ou des mots) afin de faire comprendre un autre sens, celui visé par le texte. Concrètement, l’allégorie est une représentation concrète d’une notion abstraite.
On peut dire de l’allégorie – et c’est là précisément que réside sa force – qu’elle rend visible l’invisible.
Ainsi, on aura l’allégorie de la liberté, avec le tableau La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Ce tableau représente Marianne, symbole de la France, incarnation de la révolte et de la liberté, qui mène le peuple vers la victoire en franchissant les barricades lors de la révolution des Trois Glorieuses (1830).
On croise souvent aussi l’allégorie de la mort. Elle sera souvent représentée par la Faucheuse (avec ou sans majuscule) ou un squelette.
Autres allégories connues :
Allégorie de l’amour : Cupidon, roses rouges, cœur ;
Allégorie de la paix : une colombe avec son rameau d’olivier ;
Allégorie du temps : un sablier, une horloge…
L’asyndète
L’asyndète est une figure de style qui consiste à juxtaposer des éléments en omettant volontairement les mots de liaison entre eux. Cette accumulation d’éléments sans conjonction apporte rythme et énergie à votre récit.
L’asyndète est une ellipse, c’est-à-dire un procédé par lequel on retranche des mots d’une phrase sans que le sens de cette phrase en soit affecté. En général, les conjonctions sont remplacées par des virgules ou des points-virgules.
Voici un excellent exemple de rythme créé grâce à l’asyndète :
« Ménalque se jette hors de la portière, traverse la cour, monte l’escalier, parcourt l’antichambre, la chambre, le cabinet, tout lui est familier, rien ne lui est nouveau, il s’assit, il se repose, il est chez soi ; le maître arrive, celui-ci se lève pour le recevoir, il le traite fort civilement, le prie de s’asseoir, et croit faire les honneurs de sa chambre ; il parle, il rêve, il reprend la parole ; le maître de la maison s’ennuie, et demeure étonné. » (La Bruyère, « De l’Homme », Les Caractères)
Et une figure de style à éviter :
L’anacoluthe
Une anacoluthe est une figure de style qui consiste à opérer une rupture dans la syntaxe. Le problème avec l’anacoluthe c’est que, l’énorme majorité du temps, elle est involontaire. L’effet positif qui peut se produire avec une telle rupture volontaire, à savoir surprendre le lecteur, le faire réfléchir, est alors réduit à néant. Pire, ce dernier peut simplement relever l’erreur de syntaxe et déplorer le style de l’auteur.
Voici quelques exemples d’anacoluthes que je retrouve dans des textes ou des lettres de motivation :
Arrivé chez lui, sa femme l’attendait ;
Passionnée de français, les figures de style sont mon dada ;
Travailleur et motivé, mes collègues m’ont toujours apprécié ;
Toujours souriante, cela n’empêchait pas que l’on parle dans son dos ;
Plongée dans mes pensées, mon téléphone vibra dans ma poche.
Vous pouvez facilement le remarquer ici, le problème de toutes ces phrases est qu’il devrait y avoir deux sujets. Or, à chaque fois, le premier est sous-entendu tandis que le second est écrit. Dans tous les cas, il n’y a de verbe que pour le second sujet. Cela crée une rupture dans la phrase.
Comment y remédier ? Comme il s’agit de l’erreur syntaxique la plus courante que je corrige dans vos écrits, j’ai décidé d’y consacrer un article de blog. Ce sera donc mon prochain sujet.
Alors, que pensez-vous de ces figures de style ? Y en a-t-il que vous utilisez parmi celles-ci ? Consciemment ou inconsciemment ? Estimez-vous que d’autres figures de style mériteraient d’être dans ce top ?
N’hésitez pas à m’envoyer vos commentaires et vos questions à contact@larelectrice.fr
Au plaisir d’échanger avec vous !
Ludivine, La Relectrice
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